Plagiat universitaire à Agadir : un professeur condamné , l’éthique académique en péril

Plagiat universitaire à Agadir : un professeur condamné , l’éthique académique en péril

Un professeur de l’Université Ibn Zohr a été reconnu coupable de vol scientifique pour avoir reproduit quasi intégralement un ouvrage académique sans en citer l’auteur. Ce jugement inédit, prononcé par le tribunal d’Agadir, jette une lumière crue sur les dérives de l’enseignement supérieur au Maroc et relance le débat sur la protection de l’intégrité dans la recherche scientifique.

La recherche scientifique constitue le socle du progrès et du développement dans toutes les sociétés contemporaines. Partout dans le monde, et notamment au Maroc, elle incarne une quête rigoureuse de vérité, un vecteur d’innovation et un levier essentiel pour éclairer les politiques publiques, améliorer la qualité de vie et garantir l’excellence académique. Pourtant, cette noble entreprise est aujourd’hui menacée par une dérive pernicieuse : le plagiat. Ce fléau intellectuel, qui gangrène parfois les cercles académiques les plus prestigieux, mine les fondements de l’intégrité scientifique et remet en cause la crédibilité des institutions universitaires.

C’est dans ce contexte que s’inscrit une affaire judiciaire inédite ayant secoué récemment le paysage de l’enseignement supérieur au Maroc. Le mardi 10 juin 2025, le tribunal de première instance d’Agadir a rendu un verdict retentissant en condamnant un professeur de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l’Université Ibn Zohr pour vol scientifique. L’affaire, révélée au grand public à la suite d’une plainte déposée par un universitaire à la retraite, a mis en lumière une usurpation intellectuelle d’une rare gravité : le prévenu a été reconnu coupable d’avoir reproduit, à hauteur de 99 %, un ouvrage académique datant de 2001, se contentant de modifications mineures avant de le revendiquer comme une œuvre originale. Pire encore, le professeur avait utilisé ce contenu pour ses activités d’enseignement et l’avait publié sous son propre nom sur plusieurs plateformes numériques.

La décision judiciaire a été sans équivoque. Le tribunal a infligé au mis en cause une amende de 10 000 dirhams et l’a condamné à verser 25 000 dirhams à titre de dédommagement civil au plaignant. Il a également ordonné la suppression du contenu plagié de toutes les plateformes de publication. L’Université Ibn Zohr a été officiellement informée du jugement, ouvrant ainsi la voie à d’éventuelles sanctions disciplinaires internes.

Au-delà des faits, cette affaire illustre avec acuité les ravages que peut engendrer le plagiat lorsqu’il est perpétré par ceux-là mêmes qui sont censés en être les gardiens : les enseignants-chercheurs. Lorsqu’un membre du corps professoral, investi de la mission de transmettre le savoir et d’enrichir le patrimoine scientifique national, se rend coupable d’une telle entorse éthique, c’est tout l’édifice de la recherche qui vacille. Le plagiat affaiblit la confiance du public dans les institutions académiques, décourage l’effort original chez les chercheurs en devenir, et compromet les standards de rigueur scientifique. Il constitue une trahison de la vocation universitaire, qui repose sur la transparence, l’honnêteté intellectuelle et le mérite.

Face à cette menace, il est urgent de mettre en place des stratégies efficaces de prévention et de répression. Il convient d’abord de généraliser l’usage d’outils de détection du plagiat dans toutes les universités marocaines, en les intégrant systématiquement dans les processus de validation des travaux scientifiques. Il est également nécessaire de renforcer la formation à l’éthique de la recherche dès les premiers cycles universitaires, en inculquant aux étudiants les principes fondamentaux de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, la révision des statuts des enseignants-chercheurs pourrait inclure des sanctions explicites en cas de manquement à la probité scientifique. Enfin, la création d’un organe national indépendant chargé de veiller au respect de l’intégrité académique permettrait de garantir une surveillance impartiale et rigoureuse.

L’affaire d’Agadir, en tant que première jurisprudence marocaine aussi claire en matière de plagiat universitaire, devrait être un signal d’alarme. Elle offre l’opportunité d’engager un débat de fond sur la qualité de la production scientifique nationale et sur la nécessité de préserver l’honneur de la recherche académique contre toutes les formes de contrefaçon intellectuelle. Plus qu’une sanction individuelle, ce jugement marque un tournant éthique et juridique, porteur d’espoir pour un avenir académique plus transparent, plus responsable et plus juste.