Le Maroc face à l’épreuve de la dette : entre vulnérabilités structurelles et impératifs de résilience financière

Hicham TOUATI
Dans un rapport récemment publié sous le titre « L’état actuel du fardeau de la dette en Afrique et dans les Caraïbes », la Banque Africaine d’Import-Export (Afreximbank) met en lumière une réalité préoccupante : le Maroc se hisse au quatrième rang des pays africains les plus endettés, en termes de dette extérieure, avec une part de 5,9 % du total continental. Ce constat place le Royaume au cœur des débats sur la soutenabilité de la dette et les risques de concentration financière en Afrique.
Derrière l’Afrique du Sud (13,1 %), l’Égypte (12 %) et le Nigeria (8,4 %), le Maroc devance plusieurs économies africaines de poids, telles que l’Algérie ou la Côte d’Ivoire, pourtant elles aussi confrontées à des déséquilibres macroéconomiques notables. Le rapport souligne que six pays à eux seuls portent la moitié du fardeau de la dette extérieure africaine, une concentration qui, dans un contexte de vulnérabilité systémique, pourrait amplifier l’impact d’un éventuel défaut de paiement sur l’ensemble du continent.
À première vue, les fondamentaux du Maroc demeurent relativement solides. Le pays affiche une stabilité politique, une résilience institutionnelle, ainsi qu’un certain dynamisme économique, porté notamment par des secteurs moteurs comme l’automobile, les énergies renouvelables et le tourisme. Toutefois, la dépendance croissante aux emprunts extérieurs pour financer ses projets d’infrastructure et de développement soulève des inquiétudes croissantes.
Le resserrement monétaire mondial, marqué par une hausse généralisée des taux d’intérêt et un appétit décroissant pour les actifs des marchés émergents, pèse sur les marges de manœuvre budgétaires du Royaume. Ce contexte international expose le Maroc à un renchérissement du service de la dette et à une pression accrue sur ses réserves en devises.
Face à ces signaux d’alerte, Afreximbank appelle le Maroc à adopter une approche financière plus prudente et plus flexible. Il s’agit, selon le rapport, de réduire progressivement la dépendance à l’égard des financements extérieurs au profit de ressources locales plus stables. Cela implique, entre autres, la dynamisation du marché intérieur de la dette, le développement de partenariats public-privé rigoureux, ainsi que la mise en place de mécanismes de financement innovants et durables.
La transparence dans la gestion de la dette publique est également érigée en priorité stratégique. Une gouvernance rigoureuse, fondée sur la clarté des engagements financiers, la reddition de comptes et la lisibilité des politiques budgétaires, constitue une condition sine qua non pour maintenir la confiance des bailleurs internationaux et des agences de notation.
Pour ne pas succomber à l’engrenage de l’endettement excessif, le Maroc devra tracer une trajectoire de croissance équilibrée, où la volonté de développement ne se fait pas au détriment de la stabilité macroéconomique. Cela suppose une planification rigoureuse des investissements publics, l’évaluation systématique de leur rentabilité économique et sociale, et une orientation résolue vers des secteurs à forte valeur ajoutée.
Le renforcement de la base fiscale, la lutte contre l’évasion et l’optimisation des dépenses de fonctionnement de l’État sont également des leviers à activer pour garantir une meilleure soutenabilité budgétaire. Par ailleurs, le capital humain et l’innovation doivent devenir les piliers d’une économie résiliente, capable de générer des ressources internes suffisantes pour financer son avenir.
En somme, le Maroc se trouve à un tournant délicat. Loin d’être en crise, il est néanmoins exposé à des vents contraires qui exigent lucidité, anticipation et rigueur. La dette, si elle est bien gérée, peut demeurer un outil de développement. Mal maîtrisée, elle devient un piège. Le choix appartient désormais au gouvernement marocain, et le temps presse.