Rabat , carrefour des défis migratoires : repenser le pari européen en Afrique

Rabat , carrefour des défis migratoires : repenser le pari européen en Afrique

Hicham TOUATI 

À l’heure où les tensions migratoires entre l’Europe et l’Afrique s’intensifient, tant dans les discours politiques que sur le terrain des réalités humaines, un colloque d’envergure internationale s’ouvre à Rabat, les 21 et 22 mai 2025. Organisé par la Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales – Souissi, ainsi que son Laboratoire d’Études et de Recherches Juridiques et Politiques relevant de l’Université Mohammed V de Rabat (UM5) en partenariat avec l’Institut d’Études de Géopolitique Appliquée (France), ce rendez-vous académique et diplomatique entend jeter une lumière neuve sur une problématique aussi pressante que complexe : le pari migratoire européen en Afrique.

Cette initiative académique, dont l’inauguration officielle aura lieu le mercredi 21 mai à 9h00 à Madinat Al Irfane, s’inscrit dans une dynamique de réflexion profonde sur les stratégies européennes de gestion des flux migratoires irréguliers en direction du continent africain. 

En réunissant un aréopage d’experts venus d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Nord, le colloque ambitionne de confronter les approches, d’évaluer les pratiques en cours et de repenser les fondements d’une gouvernance migratoire souvent minée par les contradictions internes de ses protagonistes.

La thématique choisie revêt une pertinence particulière dans le contexte actuel, où les politiques européennes de retour, d’externalisation des frontières et de coopération sécuritaire avec les pays africains suscitent autant d’adhésion pragmatique que de contestations éthiques. 

Au cœur des échanges : la tension irréductible entre les impératifs sécuritaires d’un côté, et la préservation des droits fondamentaux de l’autre. Ce double impératif interroge les fondements mêmes des relations euro-africaines, notamment à travers le prisme des accords bilatéraux et multilatéraux conclus dans le cadre de la lutte contre la migration dite clandestine.

Il ne s’agira pas seulement de dresser un état des lieux technique, mais bien d’ouvrir un espace de parole critique et transdisciplinaire. Les participants s’attacheront à mettre en lumière les effets concrets de ces politiques sur les migrants eux-mêmes – leur vulnérabilité croissante, la criminalisation de leur mobilité, et l’impact des narratifs médiatiques qui façonnent leur image auprès de l’opinion publique. 

Le colloque entend aussi explorer les usages géopolitiques de la migration, devenue levier de pression dans les rapports de force entre États, et analyser les profondes tensions que subissent les pays de transit, souvent pris en étau entre injonctions sécuritaires et fragilités internes.

En filigrane, ce sont des questions de souveraineté, de responsabilité partagée et d’efficacité structurelle qui seront débattues avec rigueur. À l’heure des crises globales – climatiques, économiques, politiques – les migrations ne peuvent plus être abordées sous le seul angle du contrôle, mais exigent une gouvernance rénovée, solidaire, et respectueuse de la dignité humaine. C’est à cette exigence que le colloque de Rabat veut répondre, en conjuguant savoir académique, expertise de terrain et volonté politique.

Dans un monde traversé par les migrations comme fait structurel, le choix du dialogue, de la lucidité critique et de la coopération équitable apparaît non seulement comme un horizon souhaitable, mais comme une nécessité impérieuse. Ce colloque, en posant les jalons d’une pensée migratoire nouvelle, pourrait bien marquer un tournant dans la manière dont l’Europe envisage son avenir en Afrique, et vice versa.

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