FSJES de Fès : La digitalisation de la fonction RH à l'épreuve des réalités organisationnelles , regards croisés d'un colloque fondateur

Hicham TOUATI
L'événement scientifique organisé récemment par le laboratoire ERMOT de l'USMBA a constitué un moment intellectuel remarquable, offrant une analyse multidimensionnelle des transformations digitales affectant la gestion des ressources humaines. Cette rencontre d'exception a réuni chercheurs, praticiens et décideurs autour d'une réflexion critique sur les nouveaux paradigmes managériaux à l'ère numérique.
L'argumentaire initial posait avec acuité les enjeux de cette mutation : intégration disruptive des technologies émergentes (IA, blockchain, RPA), reconfiguration des processus RH, et nécessité d'une approche humaniste face aux risques de déshumanisation. Le colloque a permis d'approfondir ces questionnements à travers trois axes majeurs.
D'un point de vue épistémologique, les communications ont mis en lumière l'évolution des cadres théoriques nécessaires pour appréhender la fonction RH 4.0. Les approches traditionnelles du management des ressources humaines se révèlent insuffisantes pour comprendre les nouvelles dynamiques engendrées par la datafication des processus et l'automatisation croissante. Plusieurs interventions ont souligné l'émergence d'un nouveau champ de recherche à l'intersection des SIC, des sciences de gestion et de la sociologie du travail.
Sur le plan empirique, les études présentées ont révélé des disparités significatives dans l'adoption des outils digitaux selon la taille des entreprises et les secteurs d'activité. Les données recueillies auprès d'un panel d'organisations marocaines montrent que si les grands groupes ont engagé leur transformation digitale, les PME accusent un retard important, notamment en raison de contraintes budgétaires et d'un déficit de compétences internes.
L'approche critique a occupé une place centrale dans les débats. Les participants ont interrogé avec rigueur les présupposés techno-déterministes souvent associés à la digitalisation. Une attention particulière a été portée sur les risques de fracture numérique et les nouvelles formes d'exclusion professionnelle qui pourraient en découler. Les échanges ont également mis en évidence les tensions entre quête d'efficience organisationnelle et préservation de la qualité de vie au travail.
Ce colloque a ainsi jeté les fondations d'un ambitieux chantier de recherche, appelant la communauté académique à approfondir l'étude des interfaces homme-machine sous l'angle de leurs effets cognitifs en milieu professionnel, tout en explorant les reconfigurations du leadership et les nouvelles dynamiques de pouvoir au sein des organisations à l'ère de la digitalisation. Ces questionnements ouvrent la voie à une compréhension plus fine des mutations organisationnelles en cours, où la technologie redéfinit en profondeur les rapports humains au travail.
Au final, cet événement scientifique a pleinement rempli sa mission en offrant un cadre d'analyse rigoureux pour comprendre les transformations en cours, tout en identifiant des pistes fécondes pour les recherches futures. Il consacre l'émergence d'une communauté de pensée capable d'appréhender la complexité des enjeux RH à l'ère digitale, au service tant de la recherche académique que de la pratique managériale.