Fès , laboratoire vivant de la pédagogie du futur : quand chercheurs et praticiens réinventent l’enseignement de demain

Hicham TOUATI
Trois jours de réflexion intense au cœur de l'USMBA : comment former les enseignants aux défis du XXIe siècle ? Le colloque international du CREDIF ouvre des pistes audacieuses entre tradition pédagogique et révolution numérique.
Sous l’égide du laboratoire Cultures, Représentations, Esthétiques, Didactique et Ingénierie de Formation (CREDIF), en partenariat avec le Master Didactique du Français et Interculturalité (DFI), l’Institut Français de Fès et la Ligue Marocaine des Professeurs de Français, s’est tenu du 22 au 24 avril un colloque international d’une rare densité intellectuelle, rassemblant chercheurs, pédagogues et décideurs autour d’une question centrale : comment former des enseignants capables de répondre aux exigences d’un monde en mutation accélérée ?
La réussite de cet événement doit beaucoup au travail méticuleux du comité d'organisation, piloté avec brio par la Pr. Asmae SENHAJI, dont l'engagement et l'expertise ont permis de conjuguer rigueur scientifique et fluidité logistique. Sous sa direction, une équipe dévouée a su créer les conditions idéales pour des échanges fructueux, tout en mettant en valeur le patrimoine intellectuel de Fès.
La cérémonie d’ouverture a marqué d’emblée l’importance institutionnelle de cet événement. Le Vice-Président de l’USMBA, professeur Abdelrhani ELACHQAR, a réaffirmé le soutien indéfectible du président de l’université à la recherche scientifique, soulignant comment ce colloque s’inscrivait dans la dynamique de rayonnement académique portée par l’institution. Le Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Dhar El Mahraz, P. Mohammed MOUBTASSIME, a pour sa part insisté sur le caractère pionnier de cette initiative, estimant que « cette rencontre constitue une opportunité précieuse pour examiner l’ensemble des efforts, des théories et des meilleures pratiques visant à enrichir le processus d’apprentissage et d’éducation ».
Dirigé par le Pr. Mohammed Chakib TAZI, le CREDIF s’impose comme un pôle d’excellence dans l’étude des mutations éducatives et culturelles, explorant avec rigueur les interfaces entre enseignement, médiation culturelle et innovations pédagogiques, et témoignant d’une ambition claire : repenser l’école à l’aune des défis contemporains.
Les conférences inaugurales, portées par des figures éminentes telles que le Pr. Jean-Marie Barbier (CNAM) et la Pr. Isabelle Vinatier (CREN Nantes), ont posé les jalons d’une réflexion exigeante, soulignant la nécessité d’une formation ancrée dans l’analyse des pratiques, loin des dogmes pédagogiques figés, tandis que les sept axes thématiques ont permis de disséquer les défis de la professionnalisation enseignante sous divers angles, suscitant des débats nourris et illustrant la vitalité de la recherche en éducation au Maroc et au-delà.
Le colloque a dressé un constat sans appel : l’école doit évoluer, et cette transformation passe par une refonte audacieuse des méthodes de formation enseignante, car les technologies éducatives s’imposent désormais comme des outils incontournables, mais leur intégration ne doit jamais se faire au détriment de la relation pédagogique, puisque enseigner reste avant tout un art de la transmission humaine. La formation initiale et continue gagnerait à s’ouvrir davantage aux approches interculturelles, afin de préparer les professeurs à la diversité des salles de classe modernes, tout en renforçant leur agilité face aux défis cognitifs et sociaux émergents, tandis que les CRMEF, véritables piliers de cette professionnalisation, doivent devenir des lieux d’expérimentation et d’échange, où théorie et pratique dialoguent sans cesse, car c’est dans ce va-et-vient que se construit l’expertise enseignante.
L’intelligence artificielle, si elle bouleverse les modes d’apprentissage, ne remplacera jamais le regard averti d’un éducateur sur les besoins spécifiques de ses élèves, mais elle peut, à condition d’être maîtrisée, libérer du temps pour l’essentiel : l’accompagnement personnalisé, la stimulation de l’esprit critique, la culture de la réflexivité, alors que les soft skills – écoute, adaptabilité, gestion des émotions – méritent d’occuper une place centrale dans les curricula, car l’enseignement ne se réduit pas à une somme de savoirs disciplinaires, mais repose sur une alchimie subtile entre savoir-être et savoir-faire.
En clôture, l’intervention de la Pr. Martine Dutoit (CNAM), sur « l’expérience en train de se faire », a offert une synthèse lumineuse des travaux, appelant à une « professionnalisation par la pratique accompagnée », prouvant ainsi une chose essentielle : la formation des enseignants ne saurait se contenter de recettes pédagogiques héritées du passé, car face à la révolution numérique, aux mutations socioculturelles et aux attentes croissantes des apprenants, elle doit se réinventer.
Grâce au CREDIF et à ses partenaires, Fès s’affirme une fois de plus comme un « laboratoire d’idées » où se dessine l’école de demain, mais reste maintenant à transformer ces réflexions en actions – car, comme le rappelait Jean-Marie Barbier, « enseigner n’est pas appliquer des théories, c’est inventer des pratiques », une leçon à méditer pour tous les acteurs du monde éducatif.